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ECRIRE A L'ATELIER MOZAÎK
17 février 2010

Pourquoi les animaux ne parlent pas ?

   C'est une bonne question. Mais tu es bien le seul à t'en préoccuper. Dans l'ensemble, les gens aujourd'hui sont bien contents que les animaux ne parlent pas. Imagine s'ils faisaient, eux-aussi des tours de chants, des promesses électorales, et leur  propre version de la ferme des célébrités à la télévision ! Non. C'est mieux ainsi.

    Par exemple si tu as un chien, quand tu discutes avec lui , tu fais les demandes et les réponses "Il est content le chien ? Ah oui, il remue la queue. C'est qu'il est content le chien !" Et s'il commence à japper un peu trop haut ou à montrer les crocs, tu peux lui mettre un coup de pied au cul et l'injurier. Il ne comprendra pas pourquoi mais il saura que tu es le maître. Car le maître est toujours celui qui a la parole et donc le dernier mot.

    Autrefois les animaux parlaient. Comme toi et moi. Tous n'étaient pas également doués. Parmi les oiseaux qui étaient de loin les plus bavards, la pie était la plus forte. On l'appelait la pie-jacasse. De cette époque ancienne certains volatils ont gardé le souvenir. On trouve encore dans les campagnes des vieux mainates édentés ou d'ignobles perroquets déplumés qui pérorent du haut de leurs perchoirs. En réalité, maintenant tous sont gâteux et ils se contentent de répéter ce que disent les hommes. C’est dire où ils sont tombés. Avant ils réfléchissaient avant de parler. Maintenant ils radotent ou alors ils montrent un goût exagéré pour les gros mots et les histoires de cul.

    J’ai même connu un âne qui savait écrire. Il avait même une belle plume. Petit à petit il a perdu cette faculté. Il se contente maintenant de braire au coin des son pré, l’œil mouillé. Il trotte, il trotte et il fait des pets.  Rien de sérieux , du vent quoi .

    Les chats aussi avaient la langue bien pendue. Les chattes surtout. Il n’y avait pas comme ces mignonnes petites chattes pour  vous tenir compagnie en vous racontant des histoires. Curieuses et infatigables elles posaient des questions et proposaient pour jouer des énigmes savantes. Si tu ne savais pas répondre, tu devais, c'était le gage, donner ta langue à la chatte. C'est resté dans la mémoire de tous ça aussi. Sauf qu'aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi, on dit donner sa langue au chat. Pourtant, ces jeux de langue se faisaient exclusivement avec les femelles chat. D'ailleurs, dans toutes les espèces animales, les femelles ont toujours été plus douées pour la parole. Quand tu avais donné ta langue à la chatte, c'était fini pour toi. Tu n'avais plus la parole. Tu devais leur obéir et surtout ne pas piper un mot.

    L’éléphant aussi parlait. Il disait des mensonges aussi gros que lui. On prit l’habitude de ne pas le croire. Il trompait bien son monde. Mais ça se voyait sur sa figure.

    Toute cette histoire des animaux qui parlent avait commencé avec le Père des serpents. Il avait le don. Le don du langage obscur. C'est à dire l'entendement de toute la nature. Pas seulement celui des animaux mais aussi celui des arbres, des plantes, des insectes, de la lune et des étoiles et puis des pierres aussi.  Le langage obscur  vous faisait entrer dans un univers magique. On baignait dans un léger bruissement  de belles paroles, de douces pensées et de de mots tendres. Seul le père ses serpents pouvait transmettre ce don. Tous les animaux l'avaient reçu de lui parce qu'ils le lui avaient demandé.
     L' homme lui, sous prétexte que Dieu l'avait crée en premier se croyait au-dessus de la mêlée et par orgueil n'avait rien demandé au Père des serpents. Du coup l'homme ne parlait à personne et personne ne lui parlait. Sa femelle s'ennuyait beaucoup car l'homme était très limité question conversation et leur langage, à eux deux seulement réservé, était très pauvre. Petite femme de l'homme eut  très envie de parler et d'échanger avec les autres. Elle alla voir le Père des serpents qui  comprit la situation voulut bien lui accorder le don à  une condition : Ne jamais révéler à qui que ce soit qu'elle avait le don et d'où elle le tenait.  Faute de quoi elle le perdrait définitivement et sans espoir de le retrouver jamais. Petite femme promit de bien garder son  nouveau pouvoir secret.
     Le Père des serpents fit comme d'habitude :  Il lui glissa sa langue fourchue tour à tour dans les deux oreilles en murmurant une formule. Petite femme de l'homme trouva cela délicieux. Elle eut un grand frisson tout le long du dos et se mit à rire de façon assez sotte. Son joli petit corps ondulait malgré elle sous la caresse serpentine . Le Père des serpents sourit finement.

 
     Petite femme de l'homme rentra chez elle par la forêt qui bruissait de mille mots.  Elle s'arrêtait pour jouir de ce qui se passait en elle. son cerveau lui semblait d'une lucidité extrême, les idées sortaient d'elle sans effort. Les mots n'avaient même pas besoin d'être prononcés pour prendre sens et clarté. En plus c'était le printemps. C'était à la fois très doux et à la limite du supportable.

    Ainsi, elle eut vent d'un bruit qui courait dans la forêt. Une terrible inondation se préparait. Toutes les terres allaient être submergées. Ce cataclysme effroyable  menaçait toutes les créatures et pouvait signifier la fin des temps. Les animaux s'organisaient pour se rassembler autour d'une petite flotte de bateaux affrétés auprès d'un certain Noé. Petite femme nota l’heure et le lieu du rendez-vous et se hâta vers son homme.

    Elle arriva vers lui  très excitée. Celui-ci crut intelligent, la croyant en de bonnes dispositions, de lui faire un bisou dans l'oreille.
    C'était ce qu'il ne fallait pas faire. Cela mit petite femme dans tous ces états. Elle rougit, bafouilla, souffla dans la frange de ses cheveux pour se donner de l'air.  Elle s'agita, reprise par les incontrôlables contorsions du bas de sa personne qui l'avaient agitée tout à l'heure au moment de la transmission du don par le Père des serpents. Elle avait les yeux pleins d'étonnement n'ayant pas connu pareil trouble avec son homme depuis le début de la création.
-
« Il faut que je te parle » dit elle .
 
    Lui n’était pas inquiet. Nous autres aujourd’hui, ce genre de préambule, associé à la panique affichée par petite femme  nous alarmerait  beaucoup. Mais il faut se remettre dans le contexte il était  le seul homme sur la terre.
- «  Voilà c’est le déluge annoncé. Une montée des océans associée à une énorme tempête. Nous allons tous périr sous les eaux. Il faut embarquer au plus vite »
- «Et d’où tiens tu cela toi ?  Moi comme d’habitude je ne suis au courant de rien. On ne me dit rien »

    Forte de sa promesse, elle se tut dans un premier temps, lâchant quelques bribes, parlant d’un bruit qui courait dans la forêt. Il se fit plus pressant, exigeant des explications. Il menaça finalement de ne pas embarquer sur les navires sauveteurs avant d’avoir le fin mot de l’histoire.

    Elle céda, n’imaginant pas survivre et laisser là son homme.
-  « C’est le Père des serpents qui.... »

    A l’instant même elle perdit le don pour toujours et à jamais.

    Ils furent sauvés avec les autres habitants de la terre. Sur le bateau on les tenait à part et personne ne leur adressait la parole. Ils ne comprenaient rien à ce qui se passait autour d’eux.

    Depuis c’est comme ça. Nous sommes définitivement coupés des autres créatures. Nous croyons dans notre stupide isolement être les seuls à détenir le langage. Tout cela parce que nous avons définitivement perdu la capacité de communiquer avec le reste du monde.
     Et nous nous permettons de dire que les animaux ne savent pas parler.

    Ah si seulement petite femme avait tenu sa langue !

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Commentaires
J
La guerre des sexes est partout...
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Z
Pauvre petit homme recroquevillé rien qu'à l'idée d'avoir déclenché une guerre des sexes...<br /> <br /> Trop fastoche. C'est pour du rire! Je rassure Jeanro.<br /> <br /> Je voudrais me savoir pardonnée...
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J
Oui Pardon je ne m'étais pas aperçu de ce que véhiculait ma petite histoire. C'est vrai que par les temps qui courent et compte tenu de la nouvelle guerre des sexes il ne faut pas plaisanter avec tout ça et être très prudent.
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Z
Dans le genre, j'enfonce encore un petit lieu commun, pourquoi pas ! Est-ce que je vais regimber ? ou simplement accepter une assertion qui fait du bien à mes petits chéris, les hommes ? Et continuer, youpi, à parcourir ma vie, légère... tout en charmant par ma conversation et ma manière de raconter, les bipèdes d'en face ?<br /> Allez, ce n'est qu'une histoire !
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